Le chef de l’Etat Yayi Boni devra reconsidérer sa position dans le bras de fer qui l’oppose aux organisations syndicales. Les mesures drastiques annoncées pour faire échec aux mouvements de débrayage dans l’Administration publique sont sans effet et mettent en verve les travailleurs.
Lassé d’entendre « nous voulons une augmentation de salaire », « donnez-nous ci, donnez ça », exprimés sur fond de manifestations de rue ou de débrayage dans l’Administration publique par les travailleurs, le chef de l’Etat Yayi Boni a menacé de sévir. Il a laissé circuler ses intentions de remplacer les grévistes par les militaires à tous les niveaux où le besoin se fera sentir. Quand il annonçait qu’il prendra ses responsabilités et ne comptait pas se laisser faire par les agents grévistes de l’Etat, le président de la République Yayi Boni a véhiculé le principe de retenues sur salaire pour fait de grève. Il a présidé un Conseil extraordinaire des ministres sur conclave gouvernemental avec la même détermination : donner du fil à retordre aux fonctionnaires syndiqués. Il a multiplié les rencontres avec les militaires et les forces de sécurité publique pour toucher leur sens patriotique à répondre favorablement à la mission d’intérêt public. Ses lieutenants se sont relayés dans les médias pour annoncer la farouche volonté du président de la République d’en découdre avec les grévistes. Malgré toutes ces annonces démobilisatrices, les Syndicats tiennent bon. Il en faut peut-être un peu plus pour les dompter. Sans s’en émouvoir, ils sont toujours au front, refusant de reculer et de rengainer. Les Syndicats refusent de céder aux manœuvres d’intimidations provenant non seulement des ministres du gouvernement de Refondation, mais aussi du chef de l’Etat. « Eux, qui ont eu à traverser la mer méditerranée, ce n’est pas l’océan Atlantique qui leur fera peur », a ironisé l’un des leaders syndicaux au cours de l’une de ses interventions devant les syndiqués. Comme quoi, si les différents régimes qui se sont succédé n’ont pas réussi ni à les bâillonner, ni à les entraîner au creux de la vague, ce n’est pas celui de Yayi Boni qui tiendra ce pari. C’est clair, le gouvernement de Refondation ne leur fait pas peur. Il n’en était pas question avec celui de Changement tout aussi marqué par des relations tendues entre Yayi Boni et les syndicats. Le même scénario a repris au début de ce deuxième quinquennat, et cela ne manque pas de susciter de profondes interrogations sur les méthodes du président de la République à faire face à la pression de la rue et syndicale. Imaginez ce que pensent actuellement les syndicats quand ils savent que l’homme fort du pays n’est pas à sa première annonce, celle de remplacer ceux qui le titillent par d’autres. L’expérience des Enseignants et Douaniers "patriotes" a montré ses limites et a été vite rangée. Pourquoi alors ramener sous une autre forme. Dans la crise actuelle, les militaires et les forces de sécurité étaient attendus depuis le lundi dernier dans l’Administration publique comme des "ennemis" des grévistes. Mais il n’en est rien du tout. Positionnés dans la plupart des ministères où la grève bat son plein, les hommes en uniforme n’ont posé aucun acte capable de provoquer l’indignation des syndicats. Pas de provocation ou de tentative de substitution des agents absents. Pourtant, le président de la République avait parié sur le remplacement des travailleurs grévistes quand il a rencontré la hiérarchie policière et le Haut commandement militaire. Yayi Boni s’est-il finalement rétracté ? Beaucoup répondront qu’il ne pouvait en être autrement. Au lieu que ses menaces ébranlent les partenaires sociaux, elles les ont plutôt remobilisés. Les syndicalistes font preuve d’une détermination sans faille pour faire plier le gouvernement. A partir de ce moment, on se demande si le chef de l’Etat va encore foncer droit ? A vrai dire, il n’a pas le choix. Il doit faire profil bas. Le chef de l’Etat ne sera plus apte à utiliser la force pour régler une crise sociale. Il ne pourra plus ordonner qu’on remplace des agents de l’Etat par d’autres qui ne sont pas formés dans le domaine. Comment comprendre qu’on puisse remplacer un diplomate par un soldat. C’est ainsi que Yayi Boni espère régler le problème de débrayage dans l’Administration publique. S’il est vrai que l‘article 63 de la Constitution du 11 décembre 1990 stipule que le président de la République peut, outre les fonctions spécialisées de défense de l’intégrité du territoire dévolues à l’Armée, faire recourir celle-ci au développement économique de la Nation et à toutes autres tâches d’intérêt public, dans les conditions définies par la loi, il n’est pas indiqué que cette disposition peut être superposée à la situation de crise que le Bénin vit actuellement. En dépit de ce faisceau d’éléments qui ne confortent pas la position du chef de l’Etat, il y a des raisons d’être optimiste. Quelque soit l’ampleur de la tension, celle-ci est susceptible de provoquer des changements positifs.
FN