Me Christian Charrière-Bournazel et ses collègues, membres du collectif d’avocats de l’Etat béninois et du Président de la République, Boni Yayi, ont animé, hier lundi 27 mai au Palais des Congrès de Cotonou, une conférence de presse dans le cadre de l’affaire relative à la tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat dont les grandes lignes se présentent ainsi qui suit.
« Je n’ai pas l’intention de plaider ici l’affaire en question puisqu’un avocat ne plaide que si son adversaire est présent. Comme je suis seul avec mes collègues en charge des intérêts de l’Etat béninois et du président Thomas Boni Yayi, nous n’allons pas parler pour accabler ceux qui sont absents. C’est une question d’éthique élémentaire ». Le bâtonnier Me Christian Charrière- Bournazel a posé ce préalable pour recadrer le sens de son intervention, celui d’apporter des clarifications à l’opinion nationale et internationale que l’évolution du dossier relatif à la tentative d’empoisonnement du président de la République, notamment dans son volet parisien.
Le bâtonnier a d’abord tenu à saluer la qualité de la démocratie béninoise. « Cette démocratie jeune, on n’a pas de leçon à lui donner parce que manifestement, la justice fonctionne avec beaucoup de souci d’exactitude, d’objectivité et de respect du droit. Les responsables du pays sont des personnes de grande qualité qui ont le souci de la justice et du droit ».
Les conditions d’une extradition
Revenant sur l’affaire querellée, il a rappelé que la France a fait l’objet une demande d’extradition de deux citoyens béninois conformément à la convention entre la France et le Bénin qui dispose que lorsqu’il y a un citoyen d’un pays est recherché dans un autre pays parce qu’il est soupçonné d’avoir commis un crime ou un Etat, l’Etat dans lequel il s’est installé doit le livrer après avoir fait un certain nombre de vérifications. Ces vérifications, indique l’avocat, sont de plusieurs ordres. Primo, l’Etat chez qui la personne séjourne doit vérifier si ce qu’on lui reproche dans son pays correspond aussi à une incrimination dans le pays où la personne s’est refugiée. « S’agissant d’une tentative d’empoisonnement, la justice française doit constater si dans sa propre législation il y a aussi la même incrimination, c’est le cas », précise-t-il. Secundo, pour que l’extradition soit possible, il faut qu’un dossier soit transmis pour que le pays saisi puisse vérifier, non pas si la personne est coupable, mais s’il y a des éléments à charge, des indices suffisants pour considérer s’il y a lieu d’ouvrir un procès. Tertio, l’Etat saisi est demandé doit s’assurer que dans le pays d’origine les peines appliquées sont compatibles avec le droit du pays d’accueil.
Les compléments d’informations du parquet !
Dans son arrêt du 22 mai dernier, la Cour d’appel de Paris a renvoyé le dossier dans quatre mois aux fins de permettre à la République du Bénin de lui apporter des réponses à certaines questions bien précises. Les polémiques suscitées par l’arrêt dans les médias n’ont pas lieu d’être, selon les explications du bâtonnier Christian Charrière-Bournazel. D’abord, la question relative à la peine de mort, explique-t-il, tient de ce France qui l’a abolie prend la précaution de savoir si les personnes incriminées encouraient la peine de mort ou les travaux forcés. « Là-dessus les réponses sont claires. Le Bénin a signé le protocole de New York, il y a deux ans, il y a une décision de la Cour constitutionnelle qui dit que la peine de mort ne peut pas être appliquée au Bénin. Il reste juste un toilettage des textes à faire et le Parlement le fera assez rapidement. Déjà des garanties ont été données à la France par les éléments que je viens de citer, en plus une lettre des autorités béninoises disant qu’elles n’appliquent plus la peine de mort, ni les travaux forcés ». Ces clarifications sont importantes et montrent entre deux pays amis quelles sont les précautions que tout le monde prend le Bénin de son côté, la France de l’autre, pour une coopération loyale, sachant une fois encore que l’extradition suppose un avis favorable de la cour d’appel de paris et un décret du pouvoir politique français », soutient-il. L’avocat de l’Etat béninois, insiste que l’extradition n’est pas une condamnation mais signifie simplement que des éléments assez sérieux ont été transmis pour justifier que les personnes soient remises à leur pays d’origine.
Complément d’informations pourquoi ?
Lorsque la demande d’extradition a été faite, il n’y avait encore au dossier des éléments disponibles aujourd’hui, notamment les auditions par le magistrat instructeur en présence des avocats des parties, le rapport du FBI sur la nature des substances qui auraient été substituées aux médicaments d’origine et le rapport du laboratoire Toxilab qui lui-même a analysé les rapports du FBI pour indiquer jusqu’où les substances pouvaient être dangereuses et éventuellement même mortelles. « Très normalement le parquet dit qu’il faut que le Bénin affine, en fonction de l’instruction en cause, l’incrimination », explique le bâtonnier qui estime que seule une instruction conduite méthodiquement permette de bien préciser les choses. La chambre a souhaité aussi avoir un complément sur la peine qui sera appliquée en cas de condamnation, la peine n’étant plus applicable. « Le parquet attend que dans les deux mois qui viennent que nous fournissions par les canaux diplomatiques les éléments complémentaires », déclare-t-il.
Ce n’est pas une affaire politique
Le bâtonnier trouve infondée les allégations disant que le dossier est politique. « Nous ne sommes pas dans une affaire politique. Il n’y a rien de politique pour trois raisons. La première, le président de la République a toujours dit qu’il ne briguerait jamais un troisième mandat et d’ailleurs la loi référendaire adoptée, il y a quelques temps le dit, il n’y a donc pas d’opposition à manifester à ce président de la République qui a toujours dit qu’il ne solliciterait pas un troisième mandat », défend-il. En deuxième lieu, il ajoute que les accusés n’ont jamais eu une carrière politique, n’ont été candidats nulle part et n’ont jamais été de concurrents politiques. Enfin, il rappelle que la convention d’extradition dispose clairement que la tentative d’assassinat ou l’assassinat d’un chef d’Etat d’un des deux pays, ne pouvait pas être considéré comme un crime politique. Mieux, il confie que l’Office de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) reconnaît le Bénin comme l’un des pays sûrs contrairement d’autres Etats d’Europe ou d’Afrique. « Le Bénin ne fait pas partie de pays où l’on arrête arbitrairement, où l’on persécute pour une opinion ou l’on empêche de s’exprimer librement, et par conséquent, l’idée qu’il est une légitimité à demander une asile politique est totalement abusive », souligne l’avocat.