Unis hier, solitaire aujourd’hui. La prolifération des couples monoparentaux semble prendre de l’ampleur dans la société béninoise. Loin d’être un fait banal, c’est un fait social qui touche toutes les couches socio professionnelles. Plusieurs raisons justifient ce phénomène qui crée un déséquilibre certain dans les ménages.
Plus d’un ménage sur cinq au Bénin est dirigé par des femmes, soit 20% des chefs de ménage, selon les statistiques de l’INSAE au 3ème recensement général de la population et de l’habitat en 2002 (RGPH). Ce qui signifie que le phénomène de monoparentalité n’est pas à négliger. Docteur Amouzouvi Dodji, sociologue à l’Université d’Abomey-Calavi, conscient de l’ampleur que prend le phénomène de la monoparentalité au Bénin, il estime que l’on n’en parle pas assez.
Pour lui, les raisons de cette situation sont multiples et, par essence, d’ordre social. Il les lie donc à plusieurs facteurs qui sont, pour la plupart douloureux. On peut citer comme raisons, des événements tels que le décès du conjoint ou le départ de celui-ci en voyage. Mais, au-delà de ces raisons, le sociologue Amouzouvi soulève d’autres facteurs non moins négligeables. Il s’agit surtout de la problématique du divorce des conjoints, du chômage, puis la polygamie. Selon lui, du fait du chômage, l’homme se désengage généralement de ses devoirs de père de famille. Ce qui contraint la femme à prendre en charge leurs progénitures.
«Le chômage faisant mal les choses, certains hommes en arrivent à dire à leurs femmes : tu veux un enfant, je n’ai pas les moyens, entendons-nous bien, je n’ai pas l’argent, nous faisons l’enfant, mais tu t’en occupes seule». C’est ainsi qu’on pourrait caricaturer la situation de ces couples. Et la femme souvent désireuse d’un enfant, accepte ces conditions pour se retrouver seule. Pour maman kiki, divorcée depuis quelques années, rencontrée à Togoudo, «c’est une situation un peu difficile que je vis.
Cependant, je préfère ne plus me remarier pour éviter plus de problèmes. Tout comme elle, maman Adjoua résidente à Cocotomey, se confie « nombreuses sont les femmes qui, de nos jours, vivent seules avec leurs enfants sans se soucier d’un mari. J’en fais partie d’ailleurs avec mes deux enfants que je gère au quotidien ». Selon elle, certaines femmes se trouvant dans de pareilles situations préfèrent se faire aider en toutes circonstances par un homme qui sera toujours disponible pour les écouter, mais qui ne sera pas un mari. Au regard de certaines femmes bien heureuses auprès de leurs maris, c’est que ces femmes ne sont pas à considérer et il faille parfois les marginaliser. Abdoul T. et Thomas A., tous étudiants à l’Uac se confient.
« Que les parents ne créent plus des situations désastreuses laissant les enfants subir », déclare Abdoul T. d’un ton regrettable parce que fils unique, issu d’un couple divorcé. Thomas préfère ne rien regretter mais plutôt se fixer davantage des objectifs pour joindre les deux bouts parce que souffrant le martyre depuis plus d’une vingtaine d’années. Ce qui était devenu une habitude pour lui. Si Mme Yvette Séké connue sous l’appellation de Cyra, promotrice de l’Ong Love Power, spécialisée dans les questions de la vie en couple partage ces raisons citées précédemment, elle relève néanmoins qu’elles ne sont pas exhaustives.
Cyra semble d’ailleurs être plus pointilleuse sur la question. Pour elle, la raison fondamentale de ce phénomène, c’est bien l’impréparation des couples au mariage. Ce qui conduit le plus souvent au divorce. Une raison directe du phénomène de la monoparentalité. Car, pour elle, dès lors que le mariage est bien préparé, c’est-à-dire que les conjoints sont passés par toutes les étapes avant de se mettre en couple, ils auraient d’ores et déjà aplani les divergences qui pourraient, plus tard, susciter la rupture de leur union. Elle assimile d’ailleurs le mariage à une école particulière que tout candidat à la vie en couple devra fréquenter.
« Car, dit-elle, on ne tombe pas dans le mariage, mais on y entre ». Et quand c’est comme ça, Cyra pense que l’adaptation à la vie commune s’opère sans soucis. Car, en définitive, d’après ses propos, le divorce, n’arrange aucun des conjoints». Sans remettre en cause les raisons précédemment citées, le psychoclinicien Ildevert EGUE, spécialisé dans la gestion des questions de foyers, va plus loin dans son analyse sur la question. Pour lui, les raisons qui conduisent aux familles monoparentales sont à chercher dans l’incompatibilité de nos vies sexuelles, dans l’éducation des candidats à la vie en couple, l’intolérance religieuse, les ambitions démesurées avec leurs dégâts. Il y a aussi les causes imprévisibles telles que la mort du conjoint, la maladie et les invalidités pour ne citer que celles-là.
Des effets désastreux sur les enfants
Mais pour lui, les enfants issus de ces familles monoparentales ne sont pas pour autant des cancres. Il y en a de très intelligents, mais aussi des enfants qui ne supportant pas le choc de la séparation de leurs parents, sont découragés et refusent de souffrir pour faire face à la vie. Contraints alors de suivre le seul parent avec qui ils se retrouvent, puisque sans autre repère, certains enfants en arrivent à verser dans les comportements malsains. Ils pourraient alors verser dans la délinquance, la toxicomanie et bien d’autres vices. Il conclut alors que l’éducation des enfants doit pouvoir se faire avec les deux parents. Il appartient alors à l’homme d’exercer son pouvoir de chef de famille. Il pourra ainsi imposer le respect de certaines règles dans le foyer pour éviter ces situations malheureuses.
Odile Djêgui Coll.)