Le Directeur général de la Sodeco, M. Moudjaïdou Soumanou, Mme Kora Zoubérath et M. Mama Ibrahim Cissé ont été placés hier lundi 22 octobre 2012 sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du 6ème cabinet, M. Angelo Houssou. La police les a conduits dans un pick-up à la prison civile de Cotonou.
Il sonnait 19h44 mn lorsque les trois personnes sous escorte policière sont sorties du cabinet d’instruction. Il y avait aussi Me Joseph Djogbénou et Me Zakari Djibril Sambaou sur les lieux. L’ancien ministre Moudjaïdou Soumanou dans une chemise manche longue relaxe tenait en main un gros sac. M. Mama Ibrahim Cissé tenait aussi un sac. Mais la dame Kora vêtue d’une robe avait plutôt les mains libres. Ils ont franchi rapidement les marches des escaliers du tribunal de première instance de Cotonou et sont montés derrière le véhicule pick-up de la police encadrés par plusieurs policiers. Le véhicule a démarré en trombe suivi d’un autre véhicule policier. Ils sont placés sous mandat de dépôt, a laissé entendre un proche des interpellés. Les avocats visiblement préoccupés n’ont pas daigné se prêter à des explications outre mesure. Mais un troisième avocat plus préoccupé laissait entendre :« elle est partie aussi avec eux ? Ou bien elle n’a pas compris. Est-ce qu’il lui a signifié aussi un mandat de dépôt ? ». Après ce branle-bas, l’avocat se résout à venir ce mardi matin prendre l’acte pour mieux apprécier la décision du juge d’instruction. Sous les cris des parents et amis et les pleurs de certains, surtout les femmes, les deux véhicules de la police sont partis du tribunal. Dans leur affliction, les parents s’en sont pris au journaliste de Canal 3 à qui ils reprochaient véhément d’avoir filmer la scène de conduite des prévenus.
Du procureur à la prison
Les trois avaient été conduits devant le Procureur de la République M. Gbénamèto dans l’après midi. Ce dernier a fait savoir à travers une conférence de presse co-animée avec le Commissaire central de la Ville de Cotonou M. Louis Philippe Hounddégnon qu’il a décidé d’ouvrir une information. C’est pour cela qu’ il les a envoyés devant le juge d’instruction. Ils devront s’expliquer sur l’inculpation « association de malfaiteurs et tentative d’assassinat ». Selon le Procureur de la république, le dernier mot revenait au juge d’instruction. Ce dernier les a alors placés sous mandat de dépôt depuis hier lundi 22 octobre 2012.
Pendant que l’ancien ministre et les deux autres étaient devant le juge, le Procureur de la République a fait le point du dossier lors de sa conférence de presse avec le commissaire central de Cotonou. Par la suite, ce dernier a montré des médicaments sous scellés qui auraient été pris lors de l’enquête. Il a fait savoir que les produits étaient dangereux et que ces médicaments devraient être substitués à ceux que prend habituellement le Chef de l’Etat. L’objectif était de nuire à sa vie du samedi 20 au dimanche 21 octobre 2012. Certaines sources avancent que c’est une Cour d’assises qui va trancher le problème dont le commanditaire serait hors du territoire national.
Beaucoup d’interrogations quand même…
Alors que les Béninois n’avaient pas encore digéré l’arrestation de Pascal Todjinou pour une affaire de défaut d’assurance, c’est un feuilleton de tentative d’empoisonnement et d’associations de malfaiteurs à l’encontre du Chef de l’Etat qui leur est servi tard dans la nuit du 21 octobre 2012. Un feuilleton qui laisse pantois et que beaucoup ont du mal à accepter.
Notre justice saura-t-elle démontrer aux Béninois son indépendance dans ce dossier de tentative d’empoisonnement et d’associations de malfaiteurs à l’encontre du Chef de l’Etat qui constitue une première au Bénin ? La question mérite d’être posée compte tenu de la nature des faits relatés par le Procureur de la République près le tribunal de Cotonou et le commissaire du commissariat central de Cotonou. Comme fait, c’est qu’on veut tuer le Chef de l’Etat et tous ceux qui habitent sa résidence. La pilule n’est pas facile à avaler. Ceci pour deux principales raisons. La première, comment expliquer la facilité avec laquelle Patrice Talon aurait réussi à contacter aussi bien la nièce que le médecin du Chef de l’Etat pour conclure un tel marché ? La seconde, comment expliquer la facilité avec laquelle les trois personnes incriminées auraient, d’une part accepté le marché proposé par Talon et d’autre part reconnu les faits suite à leurs interpellations, à en les mêmes autorités ? Toute tentative de réponse à ces deux questions ne peut conduire qu’à des doutes. Les descriptions au sujet des différentes plaquettes paraissent si faciles et banales. Pour le moment, compte tenu de la délicatesse du sujet, il ne reste qu’à continuer à s’interroger sur le crédit à accorder à ce feuilleton. Mieux, on ne peut s’empêcher de tenir compte de l’environnement dans lequel ce feuilleton intervient ! Un environnement caractérisé par « une guerre à mort » entre Patrice Talon et Boni Yayi à cause du Programme de vérification des importations de nouvelle génération et du coton. Dans ces conditions, que chacun garde son sang froid et qu’on fasse confiance à notre justice.
Les explications du Procureur de la République
Le commissariat central de la ville de Cotonou nous a déféré certaines personnes à savoir : Soumanou Moudjaïdou, Kora Zoubérath et Mama Ibrahim Cissé. Les intéressés ont été interpellés en raison des faits suivants : le 17 Octobre dernier, d’après la déclaration faite par les uns et les autres, lors du séjour du Président de la République à Bruxelles, sa nièce qui l’accompagnait, la nommée Kora Zoubérath, aurait été contactée et invitée dans un hôtel où logeait Monsieur Patrice Talon. Ce dernier a réussi à convaincre la dame Zoubérath Kora pour qu’elle administre au Chef de l’Etat des produits qui lui seront remis par le médecin personnel du Chef de l’Etat à savoir le docteur Ibrahim Cissé. Elle devrait accomplir cette mission contre la somme de 1 milliard de francs Cfa. A son retour à l’hôtel où logeait la délégation présidentielle, elle aurait informer le docteur Cissé du projet de M. Talon. Talon qui n’a pas hésité aussi à inviter en même temps le docteur Cissé. Donc docteur Cissé aussi a suivi à même temps les pas de Zoubérath pour retrouver M. Talon dans son hôtel. La même proposition lui a été faite à savoir réussir à administrer ou à faire administrer au Chef de l’Etat certains produits qui lui seront remis, produits qu’ils doivent lui administrer à la place des produits qu’il avait l’habitude de prendre. Donc des produits qui seront substituer aux produits qu’il prenait normalement. Promesse faite, 1 milliard de francs Cfa au docteur Cissé aussi. Revenus à l’hôtel, aucun des deux n’a informé le Chef de l’Etat jusqu’à leur retour à Cotonou. A leur retour à Cotonou, le 19 Octobre dernier, M. Soumanou Moudjaïdou, ancien ministre, a apporté les produits au docteur Cissé. Les produits sont venus par le vol Air France de ce jour là. C’est le ministre Moudjaïdou qui a reçu les produits à l’aéroport. Une fois récupérés, il les a remis au docteur. Heureusement, le résultat n’a pas été atteint parce que, entre-temps, la dame Kora Zoubérath a commencé par en parler à certaines personnes, à sa sœur notamment. Et, ce sont ces personnes informées qui ont averti le Chef de l’Etat. Le docteur a été entendu et il a reconnu tout ceci. Le ministre Moudjaïdou aussi, entendu, a reconnu tout ceci. Donc après les avoir écouté et lu les déclarations qu’ils ont faites au niveau du commissariat central, nous avons décidé d’ouvrir une information et à l’heure où nous sommes, ils sont devant le juge d’instruction. C’est le juge d’instruction qui décidera de la suite. Dans tous les cas, le parquet a requis leur inculpation pour association de malfaiteurs et tentative d’assassinat. Le dernier mot revient au juge d’instruction. Voilà donc pour ce qui est fait. Les produits remis au docteur Cissé qui est le médecin personnel du Chef de l’Etat par le ministre Moudjaïdou sont mis sous scellés. Les produits sont là, le commissaire central peut vous les montrer.
Guy Constant Ehoupmi, Grégoire Amangbégnon