Entretien avec Noël Ahonagnon Gbaguidi, directeur de l’Enam : « L’ENAM jouit d’une réputation de sérieux et de performance en Afrique et dans le monde »

Ahonagnon Noël GBAGUIDI est Professeur des Facultés de Droit. Depuis six ans qu’il dirige l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), un vent de révolution souffle sur cet important centre de formation des grands commis de l’Etat. Dans cet entretien qu’il a bien voulu accorder à votre journal, Noël GBAGUIDI revient sur les secrets de ses succès et met surtout l’accent sur les réformes qui lui ont permis de mettre l’ENAM sur orbite. Très lucide, il n’occulte pas les écueils qu’il faut lever progressivement afin de donner une plus grande visibilité à cette école de référence.

C’est quoi l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) ?

Professeur Noël Ahonagnon Gbaguidi : L’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) est un établissement public professionnalisé d’enseignement et de recherche de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). C’est un établissement de formation professionnelle initiale et continue, diplômante et qualifiante. Des autres établissements professionnels, elle se distingue essentiellement par sa vocation à former des cadres pour l’administration publique, les Grands Commis de l’Etat, comme on dit parfois. Il est vrai que, ces dernières années, cette vision doit être nuancée par la diversification des structures d’insertion. L’administration publique n’est plus le seul grand employeur des cardes sortis de l’ENAM. Elle est implantée sur le site de l’UAC à une quinzaine de kilomètres de Cotonou. La formation y est donnée par une équipe de formateurs dynamiques, compétents, rompus aux méthodes et techniques d’apprentissage modernes. L’ENAM est actuellement dirigée par une équipe de formateurs élue, appuyée par un administrateur civil qui assume les fonctions de secrétaire administratif (SA). En ce qui me concerne, c’est depuis 6 ans que je préside aux destinées de cette école. J’ai fait un premier mandat de trois (03) ans et puis j’ai reçu encore un nouveau mandat de trois (03) ans de mes collègues et de toutes les autres composantes de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), ce second mandat, je suis d’ailleurs entrain de l’achever.

Quelles sont les missions de l’ENAM ?

L’ENAM a reçu mission de l’Etat béninois de former des cadres pour l’Administration Publique. Cette mission originelle a connu un réajustement qui tient compte du contexte, de sorte que les cadres formés à l’ENAM peuvent également et valablement travailler dans le secteur privé. Ensuite, il y a la recherche en Administration Publique. Il faut ajouter également le perfectionnement des cadres pour l’Administration Publique, Privée et Parapublique. Enfin, Nous préparons les agents de l’Etat aux examens et concours professionnels, même si cette dernière mission est très peu connue. Implicitement, nous avons une mission de consultation, de « coaching » de l’administration publique, même si elle ne s’en sert pratiquement pas.

Quelle stratégie avez-vous mise en place pour réussir ?

Moi, j’apporte ma pierre à l’édifice qui est en construction depuis à peu près 25 ans. L’ENAM, c’était au départ l’Ena (Ecole nationale d’Administration) qui contribuait à pourvoir l’Etat béninois en cadres valables. L’ENAM d’aujourd’hui est une communauté (enseignants, élèves et personnel administratif) qui applique rigoureusement un plan de développement pour faire de cet établissement une institution fière et prestigieuse. En ces quelques années, nous avons accompli quelques réformes :
 développement et renouvellement des filières de formation pour apporter une réponse pertinente aux besoins des apprenants et des utilisateurs ;
 construction et aménagement des infrastructures pédagogiques ;
 amélioration des équipements didactiques pour l’exécution performante des programmes rénovés de formation ;
 Rédaction des syllabii de tous les enseignements ;
 enfin, réorganisation des services administratifs pour soutenir les réformes et mieux servir les usagers.
 L’équipement de la bibliothèque, support indispensable de la formation et de la recherche ;
 Réalisation de l’interconnexion internet de plus de cent cinquante postes ordinateurs à la disposition des élèves, des enseignants et du personnel d’appui ;
 Insertion de l’ENAM dans différents réseaux d’Ecoles et Instituts de formation en Administration publique en Afrique et dans le monde etc. L’ENAM du Bénin jouit d’une réputation de sérieux et de performance tout au moins en Afrique et un peu dans le monde.

L’ENAM est pourtant perçue comme une structure qui forme les cadres au chômage

Ce n’est pas totalement juste. Je crois que la vérité est tout autre. Nous entendons ces genres de rumeurs et en responsable, nous avons commis une équipe d’investigation pour évaluer la capacité d’insertion de nos élèves. Nous nous sommes rendus compte qu’ils sont présents dans beaucoup de structures de l’Administration, notamment les plus en vue, l’Administration des Finances et du Trésor, l’Administration des Impôts, l’Administration du Travail et de la Sécurité Sociale, la diplomatie, etc. Aujourd’hui, vous pouvez trouver des élèves de l‘ENAM, en l’occurrence ceux sortis des filières financières, dans de grandes Institutions financières tant nationales qu’internationales de la place. Pour vous donner quelques statistiques, il y a des filières dont plus de 90% des élèves parviennent à trouver un emploi dans un délai de deux ans après leur sortie. Il y a certes quelques filières intimement attachées à l’administration publique qui ont quelques difficultés à se « caser » en dehors des structures de l’Etat. Il y a également des structures dans lesquelles les anciens élèves de l’ENAM constituent la quasi-totalité du personnel. Ce qui est surtout important est qu’ils ont réputation de compétence. Je pense que nous avons des raisons d’être vraiment fiers des performances que réalise l’ENAM. 

Quels types de difficultés rencontrez-vous ?

Elles sont de plusieurs ordres. C’est pourquoi nous avons fait une évaluation globale. Par rapport à notre plan d’actions, nous avons estimé qu’en plus du travail qui est fait dans l’assainissement, l’amélioration des conditions de travail doit se poursuivre notamment à travers la construction des salles de cours, le renouvellement de l’équipement didactique etc. Car il faut améliorer les infrastructures, il faut améliorer les équipements surtout climatiser les amphis, il faut faire une formation des formateurs. Il faut également accroître les outils didactiques. De ce point de vue, c’est l’occasion de remercier nos partenaires qui nous ont, entre autres, permis de bénéficier de matériels, d’ordinateurs, de connexion générale à l’internet, ... au point où l ENAM dispose aujourd’hui de l’un des centres Cyber les plus performants de la place où enseignants et étudiants se côtoient, échangent et peuvent librement surfer sur la « toile ». Dans toutes nos grandes salles (bibliothèque, salles des professeurs, CIRF, bloc administratif etc.), vous pouvez naviguer librement. Serait-ce inutile de vous dire que l’ENAM dispose de son propre site web ? De plus, au niveau de la bibliothèque, l’ENAM n’est plus à l’époque où l’étudiant est obligé de tirer des tiroirs et consulter des fichiers de cartons pour rechercher références bibliographiques. Nous avons installé le système OPAC (Online Public Access Catalog) qui permet de consulter le fonds documentaire par ordinateur et de lancer sa commande. Il suffit donc de saisir quelques mots-clés pour avoir instantanément les informations sur toutes les sources d’information documentaire.

Quelle est la clé de votre succès ?

Je dirais que la clé de notre succès c’est la nécessité de maintenir une ambiance d’équipe entre les hommes et femmes qui travaillent à l’ENAM. Rassurez-vous, il n’y pas de dictature à l’ENAM. Les décisions sont prises de manière participative et dans la discipline. Ma porte reste toujours grand ouverte à tout le monde. Lorsque vous n’êtes pas d’accord avec une décision ou un comportement, vous le dites toute suite et le problème est tranché dans l’intérêt supérieur de l’Ecole, eu égard surtout à sa crédibilité et à sa réputation.

Vos qualités vous ont valu des distinctions honorifiques. Quels étaient vos sentiments lorsque vous receviez le Certificat de l’Agent Modèle de la Fonction publique doublé de la distinction de reconnaissance que vous ont offert vos étudiants ?

J’étais ému, très ému. Il est désormais de tradition que c’est après de fausses accusations contre ma personne que je reçois les distinctions. C’est le cas pour le Certificat de l’Agent Modèle de la Fonction publique béninoise qui m’a été délivré en 2006. Il en est de même pour la surprise que m’ont faite les étudiants au cours d’une invitation surprise qui avait mobilisé des collègues enseignants, autorités et étudiants. J’avoue que j’ai été agréablement surpris. Recevoir une distinction des élèves me paraît un acte d’une grande importance. C’est la composante la plus encline à la contestation pour insatisfaction dans un Etablissement de formation.

Quelle est votre prochaine priorité avant la fin de votre mandat à la tête de l’ENAM ?

Ce que je n’ai pas encore fait et qui peut être fait, c’est la clôture entière de l’Ecole, c’est cela notre pari et nous sommes en train de réfléchir pour y parvenir. Prendre possession des bus nécessaires aux activités pédagogiques. Enfin, enraciner la gestion transparente et participative.

Votre message à l’endroit de vos collègues et de vos étudiants ?

A l’endroit des collègues, des élèves et du personnel administratif, je profite de cette occasion que vous m’offrez pour leur avouer ma grande reconnaissance pour leur franche collaboration et les exhorter par la même occasion à travailler davantage afin de relever les défis qui nous attendent. Particulièrement aux étudiants, je rappelle que le travail bien fait, la discipline, l’abnégation et l’honnêteté doivent être leur crédo. Et je suis convaincu qu’ils réussiront leur vie. Enfin, aux collègues et collaborateurs, je leur demande de préserver la bonne ambiance de travail et de faire un peu plus d’efforts.

Propos recueillis par Bernadin MONGADJI